CATALOGUE EXPOSITION DE FRED FOREST « L’HOMME MEDIA N°1» AU CENTRE DES ARTS D’ENGHIEN-LES-BAINS, 2013 (ISBN 978-2-916639-30-97)
See english version below
© Sophie Lavaud-Forest
Du web 2.0 avant l’heure : du modèle esthétique au modèle social, une pratique éthique de l’art
Par Sophie Lavaud-Forest artiste et universitaire
Il y a deux types d’artistes : les « suiveurs », ceux qui développent, approfondissent, enrichissent et complètent un geste artistique magistralement opéré en rupture par d’autres et les « explorateurs », des aventuriers qui tracent dans ce que Panofsky nomme « iconologie » (histoire des changements des systèmes de formes symboliques) ces chemins de rupture inédits impactant non seulement l’art mais aussi la société toute entière. Fred Forest fait partie de cette deuxième catégorie.
Après avoir conçu en 1967 ses « tableaux-écrans », à la fois peintures mais aussi surfaces de projection, blanches, vides, réceptacles d’images externes provenant de diapositives, il quittera définitivement, avec la mise en place de son idée du Territoire du M2, il y a plus de trente ans[1], l’ordre optique de la représentation. Ce projet fondamental, sorte d’« opus magnum » évolutif, contient en germe tout ce que l’artiste développera par la suite. Au moment où naît aux Etats-Unis et plus particulièrement dans la tête de l’informaticien J.C.R. Licklider[2], l’idée d’un réseau d’ordinateurs connectés les uns aux autres par des lignes de télécommunications large bande qui permettront une communication décentralisée, Fred Forest, en habitué des réseaux de télécommunications[3], avant même l’arrivée de ces technologies, crée son Territoire du M2 sorte de prototype expérimental symbolique, précurseur d’un point de vue social, de ce qui deviendra dans les années 90, la forme participative du World Wide Web : le web 2.0. C’est-à-dire une plate-forme de contribution, de créativité, d’échange et de collaboration. Proposition d’un système de communication complexe manipulant les media de masse pour mieux les détourner par le concept de réseau, d’interactions, de mise en relations distribuées d’idées, de personnes et de groupe, l’œuvre est proposée comme un véritable laboratoire de recherche critique sur la réalité pour mieux en rendre compte et la redessiner. Abandonnant les techniques picturales de figuration sur une surface de projection, ce saut artistique engagé dans un ordre « informationnel » -qui anticipe un ordre « numérique » dans lequel nous sommes aujourd’hui[4]-, ébranle tout un pan de l’histoire de l’art, confiné à l’histoire de la peinture en tant que longue et vaste interrogation sur la perception visuelle. Au point que les « experts », déstabilisés dans leurs habitudes et leurs grilles de lecture inadaptées, mettront en doute le fait qu’il s’agit bien toujours d’art. Il serait, en effet, tellement plus simple pour restituer le réel de s’en tenir aux apparences, à la visibilité ! Mais le simulacre des « matrices communicationnelles » de Fred Forest, implantées au cœur même des « milieux », qu’elles interrogent, dans lesquelles elles sont « situées », révèle des niveaux cachés de réalités complexes, systémiques, relationnelles[5] : des flux, des ondes, des vibrations, des transmissions, des données, des sensibilités, des forces, des énergies, des interstices, des circulations et des boucles de régulation auto-adaptatives, bref, toute une architecture fluide d’informations. Ces systèmes communicationnels « préparés » pour reprendre la terminologie usuellement employée pour les pianos de John Cage sont bel et bien des fictions, qui ne proposent pas de véritables univers de substitution mais créent des simulations actives relevant du jeu et de l’imaginaire artistique. Pendant que Nam June Paik[6], pour ne citer que lui, perturbe de façon rétinienne les électrons du tube cathodique avec un aimant (Magnet TV) pour travailler la matière-image, jouant sur et avec nos perceptions visuelles, Forest travaille en anthropologue le matériau social. C’est là que se situe une de ses singularités d’artiste. Son projet vise à constituer un instrument critique opérationnel questionnant l’humain, sa nature et ses constructions : ses organisations, ses institutions, ses pouvoirs, ses pratiques sociales et culturelles. Et le Territoire du M2 est un de ces outils développé par l’artiste, le plus complexe et le plus réussi, à mon sens, comme recherche fondamentale générant des applications concrètes et des usages pour l’art et la société. De quoi s’agit-il donc ? Avec humour et ironie, parodiant les signes et codes du pouvoir pour mieux les dénoncer, l’artiste se proclame « citoyen-gérant-artiste » d’un Territoire, monde à l’intérieur de mondes : virtuel et physique (il sera réellement implanté dans le département français de l’Oise, à une cinquantaine de kms de Paris[7]), public et privé, global et local, fictionnel mais connecté au réel. Chacun, muni de son « laisser-passer »[8] pourra se porter acquéreur d’une parcelle du Territoire : un M2 espace personnalisable au sein de cet sorte d’état indépendant au sein de l’Etat français, dont les règles et le fonctionnement sont définis par les choix subjectifs de l’artiste-organisateur qui en prépare le cadre ouvert et les protocoles de communication pour en orienter le sens. Chacun recevra alors, dans cette simulation parodique un diplôme de citoyen et son titre de propriété signés par l’artiste. Trouvant source d’inspiration dans les mass media et la diffusion des actualités, l’artiste-animateur, en auteur-amont[9] du projet, distillera au fil du temps et de la vie du Territoire, des flux d’informations comme autant de strates superposées destinées à être répercutées à l’ensemble du réseau des « amis » du Territoire. Devenus les auteurs-aval d’un système complexe de communications, d’échanges et de partage, ceux-ci pourront entretenir, en présence réelle ou à distance, des relations sur un mode décentralisé, horizontal, dé-hiérarchisé en dehors de l’administration centrale[10]. Car, si le « citoyen-gérant » a un rôle déterminant dans l’orientation qu’il impulse aux questionnements et au sens des actions mises en oeuvre, le mouvement, une fois lancé, s’autonomise. Tout individu-citoyen devient à son tour un émetteur potentiel en fonction de sa volonté d’implication dans le jeu, anticipant ainsi les échanges « peer to peer », les « chat » en temps synchrone, les commentaires des flux RSS des actualités lisibles actuellement sur les principaux sites d’informations ou de chaines de télévision en ligne ou des blogs du web 2.0. Basé sur la collecte d’idées, leur mise en relation et les interactions entre les individus, le modèle esthétique proposé, relationnel et informationnel, annonce à l’échelle prototypale et non commerciale, le fonctionnement des industries créatives des réseaux sociaux et de partage (Facebook, LinkedIn, Viadeo, Flickr etc.). Ou même, des modèles sociaux et économiques émergents chez de jeunes entrepreneurs actuels : ceux du crowdsourcing qui utilisent, pour atteindre des objectifs économiques, culturels, sociaux ou scientifiques, une certaine collaboration de masse permise par ces technologies du web 2.0 . La portée du geste artistique dépasse alors la sphère autonome de l’art, pour devenir ferment fertile, véritable incubateur d’idées pour la société. Pour ce faire, et c’est une autre des singularités de cet artiste hors-normes, Fred Forest installe ses perturbations communicationnelles au cœur même de l’espace médiatique (inserts dans la presse écrite ou dans des émissions de télévision, de radio, utilisation du fax, minitel, téléphone, journaux électroniques à LED, des ordinateurs, du réseau du web ou de Second Life), et du tissu urbain (animations des espaces publics de rue[11], des espaces privés ouverts au public des maisons de retraite[12], mairie[13], voire des hôtels). La manipulation des mass media, son champ d’expérience artistique privilégié, les détourne de leur usage. L’artiste en questionne le fonctionnement et ses actions déclenchent à leur tour, une série de boucles rétro-actives : articles papier ou en ligne, interviews télévisuels ou radiophoniques, chaque action critique génère toute une production réflexive journalistique et universitaire, sorte de travail parergonal, « supplément d’œuvre » qui sert, selon Derrida,[14] à donner lieu à l’œuvre et à la faire exister. Un des exemples les plus remarquables de ses installations communicationnelles est l’œuvre Télé-Choc-Télé-Change qui a pris place sur la deuxième chaîne nationale française, du 22 mars au 12 avril 1975 sous la forme de trois émissions expérimentales installées au sein de l’émission de télévision de Michel Lancelot « Un jour futur ». Anticipant l’arrivée, devenue imminente aujourd’hui, d’une télévision véritablement interactive, détournant le mode de diffusion de un vers tous du media de masse télévisuel, (qu’il utilisera en synergie avec un autre media de communication : le téléphone pour la fonction participative[15]), l’artiste propose aux téléspectateurs (ils seront près de six cents à contacter l’émission) un jeu d’échange d’objets personnels[16] riches d’une dimension affective (à défaut de l’objet physique, ils pourront ne faire parvenir à l’émission que son image dessinée ou photographique[17]), en direct sur l’antenne. Au vu des objets défilant sur leur écran, les téléspectateurs, par un appel à S.V.P entrent en contact et s’échangent ces « objets-histoires » pour leur valeur symbolique et affective. Le mode ludique et convivial de cette « bourse-échange » permet un rôle de lien social. Il développe une conscience collective forte et émotionnelle d’appartenance et de présence au monde pour les téléspectateurs-contributeurs engagés dans l’aventure, non pas en tant que consommateurs passifs de biens marchands mais en tant que producteurs de biens symboliques en symbiose avec l’artiste. La sociologue américaine Danah Boyd[18] a parfaitement décrit cette émotion intense touchant les individus qui, en temps ordinaire privés de parole publique, se mettent à exister : « Ceux qui apprécient des services comme Twitter parlent passionnément de ce sentiment de vivre et respirer avec le monde autour d’eux, conscients et branchés, ajoutant des contenus dans le flot et s’en saisissant à d’autres moments. » C’est à éprouver ce sentiment esthétique de présence par l’implication que seront conviés les visiteurs de l’exposition L’homme média n°1 au Centre des Arts d’Enghien-les-Bains. Ils pourront, par exemple, participer à un décryptage des medias par leur contribution active à la proposition Flux et Reflux, site web conçu par l’artiste où chacun est invité à commenter des vidéos d’une banque de données sélectionnées selon différents thèmes citoyens. Ils pourront également faire danser leur avatar sur Second Life, le jour du vernissage, lors d’une célébration/dénonciation parodique de la crise financière des Etats-Unis : le Traders Ball qui dénonce les responsables spéculateurs continuant à œuvrer en toute impunité. Grâce à un scanner et la possibilité d’envoyer un email, ils pourront faire don de leur pied dans une banque de données dédiée à Internet. Et puis, le public de l’exposition, pourra prendre connaissance du résultat du processus de stimulation de l’imaginaire et de la créativité, qu’en acteur de l’art sociologique puis en esthète de la communication, l’artiste aura su générer de la part de ses lecteurs-contributeurs-producteurs et qu’il a patiemment au cours des années recueilli, archivé et souvent diffusé. Ce sont ces éléments d’information qui seront révélés et mis à la disposition du public du Centre des Arts, sous forme de traces écrites, photographiées, filmées, imprimées, sous forme de diaporamas, vidéos, inserts de presse, constituant une méta-communication parergonale, à la fois interne et externe aux œuvres-actions, générée par elles qui les désigne et les dessine dans l’organisation mentale des visiteurs. Ce sont ces métadonnées, protéiformes et multimodales, qui seront scénographiées pour rendre compte au public de ce travail singulier, basé non pas sur les performances et les prouesses technologiques mais sur la magie et le merveilleux qu’elles engendrent. S’immisçant dans le flux médiatique pour mieux en détourner le fonctionnement, il interroge l’humain, sa sensibilité, sa conscience, sa pensée, sa cognition et son imaginaire. L’humain au centre du modèle esthétique, c’est ce qui redonne à l’art son fondement originel éthique.
[1] Les premiers écrits datent des années 78.
[2] Il publiera sur ce thème en janvier 1960, un article intitulé « Man-Computer Symbiosis » (« La symbiose homme-ordinateur »). Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_d%27Internet
[3] Il travaillera pendant plus de quinze ans comme contrôleur des postes et télécommunications jusqu’en 1971.
[4] Une « époque numérique de l’art », c’est ainsi que le philosophe Bernard Stiegler caractérise notre post-modernité actuelle.
[5] Voir à ce sujet : FOREST Fred, L’œuvre-Système-Invisible, Prolongement historique de L’Art sociologique, de l’Esthétique de la communication et de l’Esthétique relationnelle, L’Harmattan, Paris, 2006
[6] En « explorateur » lui aussi, en 1970, il conçoit avec Shuya Abe le premier synthétiseur d’images Abe-Paik qui mélange les couleurs, permet de séparer formes et contenus. Les images peuvent ainsi être multipliées, métamorphosées anticipant toutes les fonctions d’effets spéciaux sur l’image permises actuellement par des outils logiciels tels qu’After Effects par exemple.
[7] Les salles sont aménagées selon des symboles et des fonctions propres au dispositif créé par l’artiste sous forme d’un musée-action, c’est-à-dire un musée vivant interactif tel que le rêve aujourd’hui un bon nombre d’acteurs des politiques culturelles cherchant à intégrer les technologies d’information et de communication numériques à leur projet de médiation. Voir :
Le CLIC France (le Club Innovation & Culture France) : http://www.club-innovation-culture.fr/
Le projet Muséomix : http://www.lacantine-rennes.net/2011/11/museomix-inventer-le-musee-de-demain/
[8] A l’instar de nos identifiants actuels et de nos mots de passe, sésames à notre entrée sur les réseaux sociaux, il faudra un « laisser-passer » pour entrer dans le Territoire.
[9] La métaphore du fleuve, cet élément circulatoire, fluide comme peut l’être un réseau d’informations, exprimée par les terminologies « amont » et « aval » est empruntée à Edmond Couchot. Voir son article « L’embarquement pour Cyber. Mythes et réalités de l’art en réseau », Revue d’Esthétique n°39, Paris, 2001, pp. 81-89
[10] C’est à l’échelle de la société toute entière, voire de la planète que, de nos jours, l’économiste et essayiste américain Jeremy Rifkin préconise d’établir un fonctionnement collaboratif des savoirs distribués s’appuyant sur des modèles de media de la latéralité (tous vers tous) versus la verticalité (un vers tous). Voir son livre: La troisième révolution industrielle – Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde, Editeur : Les liens qui libèrent, 2012.
[11] On peut citer pour exemples:
Promenade sociologique à Brooklyn, performée dans le quartier populaire de Brooklyn à la périphérie de Sao Paulo, Brésil, en 1973 et réactivée en 2011 dans le quartier de Brooklyn (Williamsburg) de New York City, U.S.A.
Le Blanc envahit la ville, action urbaine qui fait partie d’une série de micro-événements et d’installations médiatiques dans et hors les murs de la XIIème Biennale de Sao Paulo, en 1973.
Avis de recherche : Julia Margaret Cameron, personnage mi-fictif, mi-réel que des avis de recherche répétés dans le journal Var Matin feront peu à peu exister auprès de lecteurs qui pourront communiquer avec elle, lui écrire, lui téléphoner et finalement la voir dans les rue de Toulon.
[12]Vidéo Troisième âge, Maison de retraite, Font des Horts, Hyères (Var), du 25 juin au 11 juillet 1973.
[13] Le Techno-Mariage, œuvre in situ, que nous avons conçue et réalisée ensemble, performée en 1999 lors de la fête de l’Internet, à la mairie d’Issy-les-Moulineaux avec la complicité de son maire André Santini, sous la forme d’une vraie cérémonie de mariage, retransmise en temps réel sur Internet et augmentée d’un programme de réalité virtuelle scénographiant nos avatars avec lesquels nous interagissions en temps réel ainsi que celui du maire.
[14] Voir sa réflexion sur le « parergon » : DERRIDA Jacques, La Vérité en peinture, Ed. Flammarion, Paris, 1978
[15] Moyen d’expression récurrent chez l’artiste que ce croisement de plusieurs medias qui en crée finalement un autre, un « transmedia » qui les traverse tous. Voir, par exemple : De Casablanca à Locarno (télévision, web, téléphone), Apprenez à regarder la télévision avec votre radio ( radio, télé, téléphone).
[16] Là encore, une fois de plus, il serait difficile de ne pas voir, dans cette action une anticipation directe, bien évidemment dénuée, dans son cas, de rentabilité commerciale, d’un projet entrepreneurial qui est en train de naître actuellement aux Etats-Unis : le « Facebook des objets », porté par un chef d’entreprise américain Joe Einhorn sous le nom de « Thing daemon » et qui a pour but de créer une immense base de données d’objets personnels qui permettrait aux usagers d’identifier et de chercher ces objets afin de les partager, les échanger mais aussi, rentabilité oblige, bien évidemment les vendre ou les acheter. Voir : http://www.internetactu.net/2010/11/29/demain-les-reseaux-sociaux-dobjets/
[17] Un projet institutionnel vient de voir le jour, près de quarante ans plus tard, le projet BarCode/CodeBarre, projet de collaboration multi-plateforme revendiqué comme basé sur « un acte de conscience sociale », coproduit par l’Office National du Canada et ARTE France qui met en scène des objets sous forme vidéo et invitent les utilisateurs à interagir librement avec eux grâce à des applications Internet et téléphoniques. Voir : « Si les choses pouvaient parler ou la face révélée des objets », in La culture libre , Revue MCD n°68, septembre, octobre, novembre 2012, pp. 34-35.
[18] Dans une conférence donnée lors de Web 2.0 Expo à New York en novembre 2009.
English version
Web 2.0 ahead of its time : an ethical art practice, from the aesthetic model to the social model
There are two types of artists: the followers, who develop, explore, enrich and put the finishing touches to a brilliantly breakaway artistic gesture enacted by others, and the explorers, who are adventurers working within that which Panofsky names “iconology” (the history of changes in systems governing symbolic forms) to mark out pioneering breakaway paths that have an impact not just on art, but on society as a whole. Fred Forest falls into the latter category. After creating his screen-paintings in 1967, works that functioned both as paintings and as projection surfaces, white, empty, receptacles for external images projected from slides, he left Optical representation behind for good, with the introduction of his concept Territory of the M2 over thirty years ago[1]. This core project, a sort of evolving opus magnum, contains the seeds of everything the artist went on to do. At a time when the idea of a network of computers connected to each other via wideband télécommunications lines to provide decentralised communication was emerging in the USA—and more specifically, from the brain of computer scientist J.C.R. Licklider[2] —Fred Forest, as an habitué of telecommunications networks[3] even before these technologies arrived, created his Territory of the M2 as a kind of symbolic experimental prototype that, from the social point of view, heralded what was to become the participative form of the World Wide Web in the 1990s: Web 2.0. In other words, a platform for contributions, creativity, discussions and collaborations. Proposing a complex communication system that manipulates mass media in order to more effectively subvert them via the concept of a network, interactions, the distributed linking up of ideas, people and groups, the work is intended as a critical research tool exploring reality in order to achieve a better understanding of it and reshape it. Abandoning pictorial techniques for creating representations on a projection surface, this artistic leap, operating in an “informational” paradigm that anticipated the “digital” paradigm we find ourselves in today[4], shook up an entire slice of art history, limited as it was to the history of painting as a long and vast questioning of visual art. To the extent that the “experts”, destabilised, their habits and outmoded interprétations undermined, questioned whether it really was art. Certainly, it would be far easier to stick to appearances, to visibility, in the effort to recreate reality. But Fred Forest’s simulated communication matrices, installed at the very heart of the milieus that they question, where they are situated, reveal hidden levels of complex, systemic, relational realities[5]: flows, waves, vibrations, transmissions, data, sensibilities, forces, energies, interstices, movements and self-adaptive control loops—in short, an entire fluid architecture of information. These “prepared” communication systems, to use the terminology usually applied to John Cage’s pianos, are well and truly fictional, not designed to propose actual substitute universes, but to create active simulations rooted in play and the artistic imagination. As Nam June Paik[6], to name but one, was causing rétinal disruption to cathode tube electrons with a magnet (Magnet TV) in order to work on image-matter, playing on and with our visual perceptions, Forest was working on social matter in the manner of an anthropologist.
This is where one of the artist’s singular characteristics lies. His work seeks to provide an operational critical instrument questioning humans, their nature and their constructions: their organisations, institutions, powers and social and cultural habits.
And Territory of the M2 is one of the tools developed by the artist—the most complex and successful, in my opinion—as a form of fundamental research that générâtes concrete applications and uses for art and society. So what exactly is it? Armed with humour and irony, parodying the signs and codes of power to better denounce them, the artist declares himself to be the “citizen-manager-artist” of a territory, a world within worlds: virtual and tangible (it is physically located in the Oise area, fifty kilometres or so from Paris[7]), public and private, global and local, fictional but connected to the real. Equipped with a pass[8], anyone can acquire a plot of the Territory: a M2 of customisable space in an independent state within the French state, whose rules and operation are defined by the subjective choices of the artist-organiser who prepares an open framework and communication protocols to guide the direction it takes. As part of this parodic simulation, everyone receives a citizen’s diploma and ownership deed signed by the artist. Taking his inspiration from mass media and news broadcasting, the artist-organiser, as the project’s upstream-author[9] accompanying the Territory’s life over time, transmits flows of information, acting as superposed strata designed to reach the entire network of the Territory’s “friends”. These friends thus become the downstream-authors of a complex system of communications, discussions and sharing. They can conduct relationships, with a physical presence or remotely, that are decentralised, horizontal, de-hierarchized and outside the central administration[10]. Because although the “citizen-manager’” plays a décisive role in the direction he gives to the questioning procès and the actions implemented, once the movement is launched, it becomes autonomous. All individuals-citizens in turn become potential transmitters depending on their desire to play the game, thus anticipating the peer-to-peer exchanges, synchronous chats and comments on news RSS feeds that can currently be seen on the main news sites, online television channels and Web 2.0 blogs. Based on gathering and connecting ideas and interactions between individuals, the proposed aesthetic model, both relational and informational, heralded, on the prototype rather than the commercial level, the way that the sectors creating social and sharing networks operate (Facebook, LinkedIn, Viadeo, Flickr, etc.). Or even the social and economic models emerging among young contemporary entrepreneurs, such as crowdsourcing, which uses the mass collaboration made possible by Web 2.0 technologies to achieve economic, cultural, social and scientific goals. The scope of the artistic gesture thus reaches beyond the autonomous sphere of art to become a fertile catalyst and powerful incubator of social ideas. To arrive at this point—and here we see another of this atypical artist’s distinctive features— Fred Forest places his communication distortions at the very heart of the media space (inserts in the written press and television and radio programmes, use of the fax, minitel, telephone, LED electronic newspaper, computers, the internet and Second Life) and the urban fabric (performances in the public sphere of the street[11] and private spheres open to the public: in retirement homes[12], town halls[13], or even hotels). The manipulation of mass media, his favoured field of artistic experience, subverts the way they are used. The artist questions how they operate and his actions in turn trigger a series of retro-active loops. Each critical action, a paper or online article, television or radio interview, gives rise to an entire journalistic and academic analytic production, a sort of parergonal work, a “supplement of the work” that, according to Derrida[14], serves to give birth to the work and to allow it to exist. One of the most remarkable examples of these communication installations is the work Télé-Choc-Télé-Change that appeared on the number two French national television channel from 22 March to 12 April 1975 in the form of three experimental programmes shown as part of Michel Lancelot programme, Un jour futur [A Future Day]. Anticipating the imminent arrival of genuinely interactive television and subverting the communication method of one to all used by television mass media (used in conjunction with another communication medium, the telephone, for the participative aspect[15]), the artist invited viewers—six hundred of whom contacted the programme—to take part in a game exchanging personal objects[16] with strong sentimental value shown live (they only had to send the programme the drawn or photographed image rather than the actual object). As they saw the objects displayed on their screens, viewers could make a telephone call and enter into contact with each other to swap these “objects with a history”, made interesting by their symbolic or sentimental value. The playful and friendly approach adopted by this “show and swap” allowed it to take on the role of creating social ties. It developed a strong and emotional collective consciousness of belonging and of presence in the world for the viewers-contributors taking part in the adventure, not as passive consumers of market goods but as producers of symbolic goods in symbiosis with the artist. The American sociologist Danah Boyd[17] accurately described this intense emotion felt by individuals who, usually deprived of public expression of their opinions, begin to feel they exist: “Those who are most enamored with services like Twitter talk passionately about feeling as though they are living and breathing with the world around them, peripherally aware and in-tune, adding content to the stream and grabbing it when appropriate.” Visitors will be invited to the exhibition L’homme média n°1 [The No. 1 Media Man] at the Enghien-les-Bains Arts Centre to experience this aesthetic feeling of involvement-based presence. They will, for example, be able to take part in deciphering media with an active contribution to the Flux et Reflux [Ebb and Flow] project, a website designed by the artist where everyone is invited to comment on videos from a bank of data selected according to different social themes. They will also be able to make their avatar dance on Second Life at the exhibition opening during a parodic celebration of the US financial crisis: the Traders Ball denounces the speculators behind the crisis who continue to act with total impunity.
Thanks to a scanner and an email option, they will be able to donate their feet to a data bank dedicated to the internet. The exhibition’s visitors will then discover the result of the process of stimulating the imagination and creativity that the artist, as a practitioner of sociological art and then aesthete of communication, has succeeded in generating in his readers-contributors-producers and that he has patiently gathered, archived and often broadcast over the years. These elements of information will be displayed and made available to the public at the Art Centre, in the form of written, photographed, filmed and printed traces, of slide shows, videos and press inserts, forming a parergonal metacommunication, both within and outside the works-actions and generated by them, which designates and defines them within the visitors’ mental organisation. This network of protean and multi-modal information will be presented so that the audience is aware of this extraordinary work, based not on performances and technological exploits but on the magic and the wondrousness it creates. Immersing himself in the media flow so he can more effectively subvert the way it functions, the artist questions human beings, their sensibilities, their consciousness, their thoughts, their cognition and their imagination. Placing the human being at the centre of the aesthetic model is what gives art back its original ethical foundations.
Sophie Lavaud-Forest
Artist and theorist in visual and new media arts
1 His first writings date from 1978.
2 He published an article entitled Man-Computer Symbiosis on this topic in January 1960.
See: http://en.wikipedia.org/wiki/History_of_the_Internet
3 He worked as a post office and telecommunications inspector for fifteen years, until 1971.
4 The philosopher Bernard Stiegler characterised our current post-modern world as A Digital age of art.
5 On this subject, see: Forest Fred, L’oeuvre-Système-Invisible, Prolongement historique de L’Art sociologique, de l’Esthétique de la communication et de l’Esthétique relationnelle [The Invisible-Work-System. Historical Extension of Sociological Art, Aesthetics of Communication and Relational Aesthetics] L’Harmattan, Paris, 2006.
6 Another “explorer“, in 1970, together with Shuya Abe, he created the first Paik-Abe video synthesizer, which mixed colours and could be used to separate form from content. Images could thus be multiplied and transformed, a precursor to the special effects functions applied to images currently possible with software tools such as After Effects.
7 The rooms are arranged according to the symbols and functions specific to the system created by the artist in the form of an action-museum, i.e. a living interactive museum of the kind many of those involved in cultural policies currently dream of, seeking to incorporate digital information and communication technologies into their participative projects.
See:
CLIC France (le Club Innovation & Culture France): http://www.club-innovation-culture.fr/
Muséomix project: http://www.lacantine-rennes.net/2011/11/museomix-inventer-lemusee-de-demain/
8 Just like our modern user names and passwords, the keys we use to open the door to social networks, a pass is needed to enter the Territory.
9 The metaphor of the river as the sort of circulatory, flowing element a network of data can also be, expressed with the terms “upstream” and “downstream,” is borrowed from Edmond Couchot. See his article L’embarquement pour Cyber. Mythes et réalités de l’art en réseau [Embarking for Cyber. Myths and Reality of Networked Art], Revue d’Esthétique no.39, Paris, 2001, pp. 81-89.
10 The American economist and essayist Jeremy Rifkin currently advocates establishing, at the level of society as a whole or even on a global scale, a collaborative system of distributed knowledge based on the models offered by lateral (all to all) as opposed to vertical (one to all) media. See his book: The Third Industrial Revolution: How Lateral Power Is Transforming Energy, the Economy, and the World, Palgrave Macmillan, 2011.
11 We can cite a number of examples :
Promenade sociologique à Brooklyn [Sociological Stroll in Brooklyn], performed in the working class Brooklyn district on the outskirts of Sao Paulo, Brazil, in 1973 and relaunched in the Brooklyn (Williamsburg) district of New York City, U.S.A.
Le Blanc envahit la ville [White Invades the City], an urban action that was one of a series of micro-events and media installations both as part of and external to the 12th Sao Paulo Biennial in 1973.
Avis de recherche : Julia Margaret Cameron [Wanted: Julia Margaret Cameron], a half-fictional, half-real character, the subject of repeated wanted notices in the Var Matin newspaper that gradually brought her to life for the readers, who could communicate with her, write to her, telephone her and, finally, see her in the streets of Toulon.
12 Vidéo Troisième âge [Retirement Video], retirement home, Font des Horts, Hyères (Var), 25 June to 11 July 1973.
13 Le Techno-Mariage [The Techno-Wedding], an in situ work that we devised and produced together, performed in 1999 at the internet festival at the Issy-les-Moulineaux town hall with the help of the mayor, André Santini. The piece involved a real wedding ceremony, broadcast on the internet in real time and enhanced by a virtual reality programme directing our avatars and the mayor’s avatar, with whom we interacted in real time.
14 See his thoughts on the Parergon: Derrida, Jacques, The Truth in Painting, trans. Geoffrey Bennington & Ian McLeod, Chicago & London: Chicago University Press, 1987.
15 This combined use of several media that then produces a different form of media, a “transmedia” that is linked to them all, is a recurring means of expression in the artist’s work.
See, for example: De Casablanca à Locarno [From Casablanca to Locarno] (television, web, telephone), Apprenez à regarder la télévision avec votre radio [Learn to Watch Television with Your Radio] (radio, television, telephone).
16 Here again, it would be difficult not to perceive this action as a direct forerunner, although obviously without any commercial profitability, of an entrepreneurial project currently emerging in the USA: the “Facebook of stuff” launched by American businessman Joe Einhorn under the name Thing daemon; its aim is to create a vast database of Personal objects that would allow users to identify and look for the objects in order to share and swap them but also, in view of cost-consciousness, to sell and buy them. See:
http://observer.com/2010/11/creating-the-facebook-of-stuff/
17 In a conference held during Web 2.0 Expo in New York, November 2009